Une opération contre un réseau de braconniers, unique en son genre au Québec, vient de se terminer en Montérégie. Deux ans d'enquête des agents de la faune ont permis de lever le voile sur une organisation structurée qui n'a pas hésité à faire de l'intimidation contre d'autres chasseurs pour pouvoir abattre illégalement des dizaines de cerfs de Virginie, surtout dans la région de Farnham.
Plus de 90 personnes ont été interpellées au terme de l'opération, dont deux policiers de la Sûreté du Québec. Il nous est impossible pour le moment de révéler l'identité de ces gens, puisqu'aucune accusation n'a encore été déposée.
Au cours de cette enquête, les agents de la faune ont constaté que les braconniers étaient incapables de satisfaire leur besoin de chasser. C'est ce qu'a indiqué à Radio-Canada le lieutenant Pierre Fortin, responsable de l'opération Jouvence et directeur du Service de protection de la faune du Québec pour Granby et Saint-Jean-sur-Richelieu : « Ce sont des personnes qui aiment la chasse. Ce sont des mordus, des maniaques. On les appelle quasiment des tueurs en série parce que tout ce qui bouge tombe à terre ».
En tout, les 14 chasseurs qui formaient le noyau dur du réseau ont abattu plus de 100 cerfs de Virginie.
Enfreindre les règles
Ces braconniers se confondent avec les autres chasseurs en donnant l'impression de respecter les règles. Mais les agents de la faune ont découvert qu'ils utilisaient les permis de chasse d'autres personnes pour tuer beaucoup plus de bêtes que la limite permise.
Il s'agissait en fait d'une sorte de système de prête-nom. En échange d'un peu d'argent et de viande, ces prête-noms devaient enregistrer les cerfs abattus par les braconniers.
Les braconniers étaient aussi équipés de différents appareils de communication pour éviter de se faire prendre. Aussi, ils ont intimidé des chasseurs dans des territoires qui n'étaient pas les leurs. Les agents de la faune ont reçu une trentaine de plaintes en cinq ans. « Ils nous faisaient des plaintes. Mais souvent les plaintes étaient très peu détaillées. Parce qu'il y en a qui avaient peur qu'on puisse les relier [les uns aux] autres », explique le lieutenant Pierre Fortin.
Dans la région, presque tout le monde connaît les présumés braconniers ciblés par l'opération, tout comme l'identité des deux policiers interpellés.
L'un des policiers interpellés est le fils du chef présumé du réseau. Rares sont ceux qui ont voulu accorder une entrevue à Radio-Canada. Un seul a accepté, à la condition que l'on taise son identité : « Il n'y avait pas grand-chose à leur épreuve. Que ce soit une permission, que ce soit des gars qui chassaient, eux, ce n'était pas un problème. Il n'y avait pas de territoire à eux, car c'est partout, chez eux ».
Il faudra attendre encore plusieurs mois avant que les 170 chefs d'accusation ne soient déposés contre les présumés braconniers. Et tant qu'ils ne sont pas reconnus coupables, ils peuvent continuer de chasser en toute liberté.