Trouvé sur le forum armeafeu.org ;
Québec, le 22 juin 2007
Monsieur Jean Charest
Premier Ministre
Cabinet du Premier Ministre
Édifice Honoré-Mercier
835, boulevard René-Lévesque Est, 3e étage
Québec (Québec) G1A 1B4
Monsieur le Premier Ministre,
La Fédération québécoise de la faune (FQF) désire soumettre respectueusement ses commentaires au sujet du « projet de loi nº 9 sur la sécurité des personnes dans certains lieux et modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports », présenté le 15 juin dernier par M. Jacques P. Dupuis, ministre de la Sécurité publique. Après avoir pris connaissance du projet de loi, il est erroné de prétendre que ce dernier n’aura pas d’impact sur les chasseurs québécois. De ce fait, la FQF désire obtenir des explications sur certains articles de cette loi qui vont indubitablement mettre en péril l’activité de la chasse dans les régions du Québec.
La FQF est un allié des gouvernements provinciaux et fédéral dans la promotion de la pratique sécuritaire liée à la possession et dans le maniement des armes à feu. La FQF a vu le jour en 1946 et est l’un des organismes à vocation faunique les plus anciens du Québec représentant l’ensemble des chasseurs et des pêcheurs. Sa mission est de contribuer, dans le respect de la faune et de ses habitats, à la gestion, au développement et à la perpétuation de la chasse et de la pêche comme activités traditionnelles, patrimoniales et sportives. Elle encourage également le développement d’un comportement responsable chez les chasseurs et les tireurs sportifs, par le biais de sa filiale Info Sécure. Celle-ci dispense entre autres, le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu (CCSMAF) et le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu à autorisation restreinte (CCSMAFAR).
D’entrée de jeu, nous tenons à préciser que la mise sur pied d’une unité mixte de lutte contre la contrebande des armes à feu est une disposition utile et nécessaire pour agir efficacement contre le commerce illégal des armes à feu et, au cours des dernières années, nous avons toujours tenu un discours en ce sens.
La Fédération est très sensible à l’importance de la sécurité des personnes dans les lieux publics. Par ailleurs, la FQF désire obtenir quelques éclaircissements sur la façon dont les chasseurs, les tireurs sportifs et les moniteurs d’Info Sécure devront agir suite à une loi interdisant la possession de toute arme à feu sur les terrains et dans les bâtiments d’une institution d’enseignement et d’une garderie, ainsi que dans un transport public.
Les fondements mêmes de notre organisation reposent sur le bénévolat et le Québec peut présentement compter sur 85 moniteurs du CCSMAFAR, 299 moniteurs CCSMAF-ICAF (Initiation à la chasse avec arme à feu), 169 moniteurs ICAA (Initiation à la chasse à l’arc et à l’arbalète) ainsi que sur 97 moniteurs autochtones qui peuvent dispenser le CCSMAF.
Suite aux recommandations de notre organisation, nul ne peut aller à la chasse sans avoir suivi et réussi deux formations soit le CCSMAF et ICAF. Ainsi, en 2006, notre organisation a formé 15 088 participants au CCSMAF et 14 222 participants à ICAF. L’année 2007 s’annonce encore plus prometteuse et nous désirons atteindre un nombre record de plus de 15 000 nouveaux chasseurs, dont le quart sont des femmes. Nous formons un nombre plus élevé de nouveaux chasseurs que notre province voisine, de l’Ontario.
Une fois que le gouvernement eut accepté notre proposition de formation obligatoire de tous les chasseurs en 1972, à la suite de trois années expérimentales, nous sommes fiers d’avoir été les instigateurs, les concepteurs et les diffuseurs de la dite formation. D’ailleurs, nous travaillons en partenariat avec Faune Québec du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF), non pas uniquement pour la formation mais aussi dans le cadre de la promotion de l’activité patrimoniale qu’est la chasse. Présentement, il y a plus de 1.1 million de certificats du chasseur qui ont été obtenus de la part des candidats.
Une bonne partie des cours de formation que sont le CCSMAF, l’ICAF et le CCSMAFAR sont dispensés dans les locaux d’institutions d’enseignement du Québec. Dans le cadre de ces cours les moniteurs utilisent des fausses munitions et des armes rendues inopérantes. Pour le transport de celles-ci, ils sont munis d’un permis d’entreprise (armes longues) ou d’un permis de transport à leur nom (arme à autorisation restreinte). Que va t’il advenir de ces formations? La loi aura pour impact d’interdire l’accessibilité à ces locaux et de restreindre sévèrement la disponibilité de la formation. Le nombre de futurs adeptes de la chasse, activité pourtant nécessaire économiquement pour les régions, sera de toute évidence affecté.
Les communautés autochtones ont une relation privilégiée avec la chasse et conséquemment les armes à feu font partie intégrante de leur style de vie. Saviez-vous qu’à l’intérieur des communautés autochtones, tout comme cela se fait dans d’autres provinces du Canada, ils ont des programmes de formation dans les écoles relatifs à des activités de tirs avec des carabines à air, ayant pour but de sensibiliser les jeunes à la sécurité d’une arme à feu et à une utilisation responsable. Votre projet de loi devient donc un frein important à tout programme de responsabilisation individuelle.
Par ailleurs, votre projet de loi veut faire en sorte qu’une garderie en milieu familial ne pourra pas être opérée par la famille d’un chasseur. Les garderies en milieu familial sont très
nombreuses en région et une proportion importante de ces foyers abritent des chasseurs : hommes, femmes et membres de leur famille. La loi affectera directement le mode de vie de ces familles (que nous représentons) sans améliorer d’aucune façon la sécurité de la population. Des personnes insensibles à cette situation ont suggéré que les chasseurs devront habiter ailleurs que dans ces foyers et choisir entre la garderie, leur couple ou la chasse. Qu’en est-il des familles composées de quatre ou de cinq enfants où les parents sont détenteurs d’armes à feu? Nous aimerions beaucoup pouvoir vous rencontrer afin de vous sensibiliser à ce qu’est l’activité de la chasse, son importance culturelle et économique, à son déroulement et les contraintes anticipées suite à la future loi.
Nous avons également des inquiétudes importantes sur les conséquences de ce projet de loi en ce qui concerne les chasseurs et les tireurs sportifs qui se rendent ou qui reviennent d’une activité de chasse ou de tir et qui doivent avoir accès, pour des raisons pratiques, au terrain d'une institution d'enseignement et d'une garderie pour laisser ou reprendre soit leurs enfants ou d’autres personnes. Pourquoi imposer de telles contraintes alors qu’aucun incident n’est survenu lors d’une telle pratique. Encore une fois on semble vouloir laisser planer le doute qu’un chasseur est un criminel en puissance. Il existe des normes de transport en vigueur. De plus, dans le cas des armes à autorisation restreinte qui sont nommément citées dans le projet de loi, leur propriétaire est déjà soumis à un permis de transport qui lui interdit d’emprunter tout itinéraire sauf le plus direct entre son domicile et le lieu de l’activité. Au nom de quel fait peut-on justifier l’imposition de nouvelles mesures?
Qui plus est, le projet de loi mentionne l’interdiction d’être en possession d’une arme à feu dans les transports publics. La FQF s’interroge sur la façon pour les utilisateurs du transport en commun, légalement autorisés à transporter une arme à feu (acquisition et réparation), comment vont-ils rapporter leur arme à leur domicile afin de l’entreposer de façon sécuritaire?
Qu’advient-il de ceux qui utilisent le service d’autobus voyageur ou de train pour se déplacer vers d’autres lieux pour aller pratiquer la chasse sportive. Ces pratiques n’ont jamais causé aucun problème ni provoqué l’inquiétude du public. Par exemple, il existe plusieurs territoires situés dans des régions éloignées dont la chasse est pratiquée abondamment et dont l’accessibilité est assurée uniquement par le transport ferroviaire. La région de Schefferville et la pourvoirie de la Seigneurie du Triton seront affectées par les contraintes de cette loi.
Saviez-vous qu’il y a beaucoup de non-résidents, qui lors d’une escale à un hôtel , doivent retourner à l’aéroport et pour ce faire, utilisent un service de navette; ils devraient être informés que le seul moyen sera dorénavant le taxi? Les chasseurs seront-ils exclus des moyens de transport mis à la disposition des autres voyageurs? Quelle situation peut-on invoquer pour justifier ces mesures?
Toutes ces contraintes sont imposées pour créer un soi-disant sentiment de sécurité. Une chance que ce projet de loi ne visait pas les chasseurs. Qu’est ce que cela serait s’il en était autrement ! La chasse n’est pas un simple loisir : elle est à la base d’une activité économique importante dans les régions, elle justifie la conservation des habitats naturels essentiels pour l’équilibre écologique et elle constitue un outil de gestion et de régulation de la faune qui demanderait des millions de dollars à remplacer, alors que les chasseurs financent eux-mêmes la perpétuation de cet outil. Le projet de loi met en péril cette activité et toutes les autres (tourisme, hébergement, vente de produits) qui y sont associées. Les chasseurs et les pêcheurs composent le groupe qui investissent le plus de temps bénévole, en argent et en protection des habitats.
Par ailleurs, il est aberrant de constater que nul ne peut exploiter un club de tir ou un champ de tir sans être titulaire d’un permis délivré par le ministère de la Sécurité publique alors que le contrôleur des armes à feu du Québec qui relève du même Ministre émet un agrément pour les mêmes sites. C’est un exemple criant de bureaucratie abusive d’exiger deux mesures réglementaires différentes qui visent les mêmes objectifs auprès de la même clientèle. Combien il serait préférable de mettre les efforts aux bons endroits.
Nous vous soumettons, Monsieur le premier Ministre, que de façon générale, ce projet de loi ne fait que dédoubler ce qui existe déjà sans y ajouter quoique que ce soit qui améliore réellement la sécurité des citoyens. Il a fort à parier qu’il entraînera, de plus, de nouveaux coûts pour l’état québécois. Ainsi, les sommes d’argent dédiées, à l’enregistrement des armes à feu, par exemple, devraient être redirigées vers des programmes pour l’éducation des particuliers et la création d’un cadre de sensibilisation du public à l’utilisation des armes à feu. Ce programme devrait être axé sur le renforcement de la sensibilisation aux pratiques sécuritaires de maniement des armes à feu et sur le respect de ces pratiques. De plus, il permettrait de soutenir la promotion de l’entreposage sécuritaire, la protection du public par l’embauche d’agents de la paix en vue d’encourager l’application de la loi de première ligne et aider les victimes de crime, la lutte contre le crime organisé, le soutien financier aux organismes voués à l’aide aux personnes ayant des tendances suicidaires ainsi que vers des dispositifs visant un contrôle performant et sécuritaire des postes frontaliers. C’est pourquoi la Fédération tient à souligner qu’elle soutient énergiquement les démarches du gouvernement fédéral actuel qui visent l’abolition du registre des armes à feu (longues) et ainsi restreindre les coûts inutiles engendrés par la mise en place du registre. Vous comprenez qu’en regard de ces éléments, une bonne portion de votre projet de loi n’ajoute en rien à la sécurité des citoyens du Québec. Tout au plus, leur en donnera-t-il une fausse impression.
Vous vous engagez, malheureusement, sur la voie d’un pays comme l’Angleterre qui a négligé des mesures plus efficaces pour au contraire, abolir la possession légitime des armes de poing par les citoyens respectueux de la loi sous prétexte de la sécurité. Ces initiatives malheureuses n’ont eu aucun effet sur l’augmentation considérable du taux de criminalité violente. Ce type de loi punit injustement les honnêtes citoyens sans affecter les criminels. Elles n’ont, de plus, aucun impact sur les personnes souffrant de dérèglement mental que l’on devrait aider autrement que par une loi.
Par ailleurs, nous vous rappelons que, pour spectaculaires qu’ils soient, les homicides par armes à feu ne représentent qu’environ six centièmes d'un pour cent des décès au Québec. Par comparaison, les accidents d’automobile atteignent les deux pour cent. Il est plus sécuritaire de pratiquer le tir sportif ou la chasse que de jouer au golf.
En terminant, la FQF souhaite que soit amené en Commission parlementaire le débat du présent projet de loi afin de le rendre plus réaliste et plus juste pour la cohorte d’honnêtes chasseurs et tireurs sportifs de l’ensemble des régions du Québec. De ce fait, nous croyons utile et nécessaire que notre organisme soit impliqué lors du processus d’analyse dans le but d’expliciter nos préoccupations et les conséquences sur l’avenir de la chasse.
En espérant une réponse de votre part à nos nombreux questionnements, veuillez agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de nos sentiments les plus respectueux.
Alain Gagnon
Président de la FQF