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La politique environnementale des conservateurs est montrée du doigt par la revue française OWNI et la dénonce par l'article qui suit.
Je vous laisse juge pour ce qui est surligné en rouge..
8 juin 2012
Le Canada à la chasse aux écolos
Dans sa dernière loi d'orientation budgétaire, le gouvernement fédéral canadien de Stephen Harper modifie sensiblement la législation environnementale du pays. En plus des lois sur l'énergie et la biodiversité, les ONG écologistes sont mises en coupe réglée pour ne pas freiner les grands projets industriels nationaux.
En marge des manifestations des étudiants québécois contre la réforme des universités, le projet de loi de finance canadien soulève l’inquiétude parmi les militants et organisations écologistes. Présenté par le gouvernement conservateur de Stephen Harper, la “loi C-38″ (ou “Omnibus bill”) impacte directement, en plus du budget fédéral, de nombreuses lois environnementales et bouleverse la gouvernance et la représentation des citoyens dans les débats sur les ressources naturelles.
Eldorado
Du côté du gouvernement fédéral, ce projet de loi présenté par le ministre des Finances est promu comme un véritable tremplin économique : sous-titrée Jobs, Growth and Long-term Prosperity act (“loi pour l’emploi, la croissance et prospérité durable”), le “plan d’action” implique directement la plupart des ministères qui y ont injecté des propositions portant sur leur domaine de compétence. Interrogé par Owni, les services du ministère fédéral des Ressources naturelles affichent clairement l’objectif de ces réformes :
«500 milliards de dollars canadiens d’investissement sont attendus portant sur les 500 principaux projets économiques à travers le Canada dans les dix prochaines années. Pour capitaliser sur ces opportunités, “Loi pour l’emploi, la croissance et prospérité durable” comprend des mesures visant à l’accomplissement du plan gouvernemental pour le développement responsable des ressources (RRD), qui vise à rendre les procédures d’instruction des dossiers plus prévisibles et limitées dans le temps, ainsi qu’à faciliter les investissements et la planification des décisions qui permettront la création d’emploi et la croissance économique, tout en renforçant la protection environnementale.»
Parmi les exemples présentés en réponse à notre demande, le ministère cite notamment “le renforcement de la sécurité des tankers et des mesures de réponse aux marées noires et l’augmentation annuelle des inspections de pipeline”. Deux mesures qui ciblent une des grandes priorités du gouvernement : le développement de l’Eldorado pétrolier canadien.
En plus des gisements de sables bitumineux d’Alberta (forme de pétrole non mature extrait par injection de vapeur à haute pression), le ministère des Ressources naturelles compte sur le potentiel “off shore”, au large de la côte est du pays, et au riche sous-sol des zones arctiques. Un boum énergétique dont les fumées montent au nez des écologistes.
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Les ONG environnementales, elles, n’ont pas tout à fait retenu les mêmes points de révision de la législation que le ministère dans le C-38 : pour “alléger” la procédure, la loi prévoit en effet une réduction de la durée de l’expertise scientifique et des consultations publiques, des réductions de budget pour les agences de contrôle environnemental, la réduction des prérogatives du Energy national board dans les décisions concernant les attributions de permis… Une logique qui ne se réduit pas au domaine énergétique, comme le souligne Maryam Adrangi du Conseil des Canadiens :
«La législation canadienne sur la pêche était l’une des plus protectrices au monde mais, avec le C-38, elle a presque été démantelée : elle n’a plus vocation à protéger la biodiversité des espèces canadiennes mais seulement celles qui sont économiquement valorisables. Nous ne pouvons plus, en l’état, l’appeler législation sur la pêche. La loi transforme tout en dispositif de validation pour l’industrie.»
Blackout
Mais le C-38 ne se contente pas de tailler dans le vif de la législation environnementale : il met le couteau sous la gorge même des organisations écologistes. “Les consultations sont limitées, le ministre a le pouvoir d’annuler nos recommandations…”, énumère Loïc Dehoux, de l’ONG Equiterre. Mobilisés avec des organisations sociales également visées par certaines mesures de la loi de finances, ils ont coorganisés lundi 4 juin une journée de blackout sur le web pour sensibiliser le grand public aux implications de la loi en matière de gouvernance. Intitulée #SilenceOnParle, cette manifestation numérique s’est doublée d’événement à travers le pays, de Vancouver à Toronto.
Anil Naidoo, chargé de représenter le Conseil des Canadiens lors des auditions parlementaires sur la loi, considère ce plan comme “le pire texte de loi de l’histoire du Canada et un moment grave dans la démocratie”. Un texte par ailleurs présenté selon des dispositions qui garantissent à 100% son adoption :
«En intégrant ces propositions au projet de loi de budget, ils font de cette proposition de loi un vote de confiance pour le gouvernement. Or le Parti conservateur de M. Harper dispose de la majorité absolue, ils n’ont donc aucun intérêt à la renverser. Le débat est complètement muselé : alors que les libéraux et les écologistes ont déposé des centaines d’amendements, les parlementaires de la majorité n’en ont même pas déposé un pour corriger les fautes de frappe !»
Député de Colombie Britannique, le conservateur David Wilks s’était piqué le 22 mai de critiquer la proposition de loi du gouvernement dans une réunion publique, assurant lors d’une réunion publique qu’il s’élèverait “et dirait au gouvernement Harper qu’il doit se débarrasser de la loi C-38″. La déclaration aurait pu rester discrète si un militant ne l’avait postée sur YouTube, déclenchant l’ire de la majorité et la verve des commentateurs.
Sollicité de toute part, l’élu s’est empressé de retropédaler d’un très plat communiqué de presse publié sur son site :
«Je souhaite clarifier ma position quant à la loi C-38, pour l’emploi, la croissance et la prospérité durable. Je soutiens cette loi et les mesures en faveur de l’emploi et de la croissance dont elle va faire bénéficier les canadiens de Kootenay-Colombie [circonscription dont il est élu] et à travers le pays tout entier.»
Fisc
Au delà de la gouvernance, la C-38 modifie le fonctionnement même de ces groupes. Si la loi limitait déjà à 10% de leur budget les dépenses des organisations caritatives dans leurs recours juridiques, le projet de loi sur le budget renforce très sensiblement les pouvoirs du fisc en matière de contrôle. Interrogé par Owni, la Canada Revenue Agency a exposé ses nouvelles prérogatives vis-à-vis des organisations à but caritatif :
«Ces nouvelles mesures ont pour but d’aider les organisations à but caritatif à mieux comprendre les règles liées aux activités politiques, afin qu’elles utilisent leurs ressources de manière appropriées. […] Le C-38 [propose] d’améliorer la transparence en exigeant des organisations à but caritatif qu’elles fournissent plus d’informations sur leurs activités politiques, notamment la proportion dans laquelle ces dernières sont subventionnées par des sources étrangères.»
L’origine des fonds des ONG environnementales ne se révèle pas utile que pour de banales considérations fiscales : à plusieurs reprises, les membres du gouvernement et de la majorité ont pointé les activités d’organisations telles que Greenpeace Canada ou le Conseil des Canadiens comme étant “financés par des fonds étrangers”, induisant par ce fait de lourds sous-entendus politiques. Anil Naidoo a dû faire face à ces accusations :
«La part de financement étranger dans nos activités est marginale, de l’ordre de 5%. Mais ça n’a pas empêché le parti au pouvoir de s’en saisir pour nous accuser de faire le jeu de nos concurrents commerciaux : pour décrédibiliser toute campagne critiquant l’industrie pétrolière, les conservateurs n’ont pas hésité à nous faire passer pour des agents à la solde des intérêts américains. Ils sont beaucoup plus conciliant lorsqu’il s’agit de voir des intérêts pétroliers étrangers financer des campagne de lobbying en faveur des sables bitumineux.»
Depuis l’entrée en fonction du gouvernement Harper en mars, une vague de contrôle a frappé les organisations caritatives, qu’elles soient sociales ou environnementales. Première victime de ce mouvement, l’ONG Physician for Global Survival, créé il y a 32 ans pour promouvoir le désarmement nucléaire, s’est vu retirer son statut fiscal en mai dernier, pour avoir dépassé la limite de frais d’avocat imposée par la loi.
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Avec la C-38, le retrait du statut d’exemption fiscale accordé aux organisations caritatives sera facilité. Une perspective au regard de laquelle certaines personnalités désireuses de garder leur liberté d’expression sur les polémiques environnementales ont fait un pas en arrière pour ne pas engager leur organisation, comme David Suzuki, lequel a démissionné de la présidence de sa fondation pour ne pas risquer de la voir privée de financements.
Extrémistes
Avant même d’être inscrite dans la loi, la stigmatisation des organisations écologistes avait trouvé une place inattendue dans un rapport publié en février sous le titre : Renforcer la résilience face au terrorisme : Stratégie antiterroriste du Canada. Ce document d’orientation publié par le ministre fédéral de la Sécurité intérieure prévoyait un petit paragraphe consacré aux “extrémistes d’origine intérieure” préfigurant les nouveaux rapports entre le gouvernement et les ONG :
«Le niveau de violence des groupes extrémistes militant pour des causes précises qui opèrent à partir du Canada n’est pas aussi élevé que celui d’autres pays, mais demeure une réalité au pays. Ces groupes extrémistes sont enclins à faire des revendications — légitimes ou illégitimes — portant sur la défense de diverses causes telles que les droits des animaux, la suprématie blanche, l’environnementalisme, et l’anticapitalisme. D’autres sources historiques d’extrémistes d’origine intérieure sont moins menaçantes.»
Pour les militants écologistes, la mention des environnementalistes aux côtés de mouvements terroristes reconnus coupables d’actions meurtrières sur le territoire canadien était sans ambiguïté. “Le mot “terroriste” a déjà été utilisé pour qualifier des militants anti-sables bitumineux”, glisse un responsable de campagne climat d’une ONG canadienne. Ne manquait à cette théorisation que la marque des bottes dans la boue des sites pétroliers. Lesquelles se sont creusées dès le mercredi 6 juin en Alberta, sous les ordres du gouvernement de la province : un détachement de policiers, d’agents des douanes et de membres de la garde nationale montée a été constitué en “unité anti-terroriste” avec pour mission de sécuriser les sites d’extraction des sables bitumineux ainsi que le tracé du pipeline Nothern Gateway (“Passage Nord”), reliant les mines aux ports de Colombie Britannique, à l’Ouest.
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