Le vendredi 15 juin 2007
Armes à feu: Québec dépose son projet de loi
Tommy Chouinard
Québec
Les propriétaires d'armes à feu semi-automatiques pourront garder leur fusil à la maison. Le gouvernement Charest ne les obligera pas à laisser leur arme dans les clubs de tir, contrairement à ce qu'il avait annoncé en campagne électorale. Il les soumettra toutefois à des contrôles plus sévères.
Le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, a déposé ce matin à l'Assemblée nationale le projet de loi sur la sécurité des personnes, qui n'a fait l'objet d'aucune discussion avec l'Action démocratique du Québec et le Parti québécois. Les règles entourant le transport, l'acquisition et la possession des armes à feu semi-automatiques, à l'exception des armes de chasse, seront resserrées.
Le premier ministre Jean Charest accompagnera M. Dupuis pour expliquer les dispositions du projet de loi cet après-midi au collège Dawson de Montréal. C'est dans cette école que Kimveer Gill, armé d'une Beretta de modèle Cx4 Storm qu'il détenait légalement, a abattu la jeune Anastasia De Sousa et blessé une vingtaine de personnes le 13 septembre dernier.
En vertu du projet de loi, les propriétaires d'armes à feu semi-automatiques (dites à autorisation restreinte) devront désormais être des membres actifs d'un club de tir. Les clubs seront tenus d'informer les autorités policières de tout comportement suspect.
La circulation des armes sera limitée. Le gouvernement interdira le transport d'armes dans certains lieux. Notons qu'à l'heure actuelle, toute personne doit détenir un permis de transport qui l'autorise à se déplacer avec son arme de son domicile à un club de tir en empruntant le chemin le plus court. Québec aurait trouvé une façon d'être plus sévère encore.
L'acquisition d'armes semi-automatiques sera également plus complexe. Ceux qui souhaitent s'en procurer et obtenir un permis feront face à des conditions plus strictes.
À l'heure actuelle, toute personne qui veut acquérir une arme semi-automatique doit détenir un permis spécial. Pour l'obtenir, elle doit remplir un questionnaire portant notamment sur sa santé psychologique et la consommation de drogue ou d'alcool. Ses antécédents judiciaires sont scrutés à la loupe. Un demandeur doit également suivre deux cours de maniement d'armes donnés par Info-Sécure. Le gouvernement Charest a l'intention d'en exiger davantage de la part des demandeurs.
Les propriétaires d'armes à feu semi-automatiques qui détiennent déjà un permis sont également visés par le projet de loi. Le gouvernement Charest imposera par exemple de nouvelles règles pour assurer un entreposage sécuritaire des armes à la maison. Québec renonce donc à l'idée, lancée en campagne électorale par Jean Charest dans une entrevue à La Presse, d'obliger les propriétaires d'armes à laisser leur fusil dans les clubs de tir, qui devaient veiller à leur entreposage. C'était la principale mesure qu'il avait mise sur la table.
Mais après les élections du 26 mars, la Fédération québécoise de tir, qui représente les clubs, avait condamné cette intention. Selon elle, les clubs de tir n'ont ni les moyens financiers ni les espaces nécessaires pour entreposer des armes de façon sécuritaire.
Le député libéral Guy Ouellette, ancien policier de la Sûreté du Québec, avait reconnu que «peut-être, des clubs de tir n'ont pas les infrastructures» pour entreposer des armes.
En entrevue à La Presse, le contrôleur des armes à feu du Québec, Yves Massé, avait affirmé que le projet du gouvernement comportait un «gros risque». Selon cet officier de la Sûreté du Québec, les clubs de tir risquaient d'être la cible de groupes criminels attirés par leur marchandise. M. Massé, qui est responsable de l'application de la Loi sur les armes à feu au Québec, craignait que les armes volées se retrouvent sur le marché noir. Ces arguments ont convaincu le gouvernement de renoncer à l'idée dont il avait pourtant fait la promotion en campagne électorale.
Le gouvernement a dû préparer son projet de loi en tenant compte du fait que le contrôle des armes à feu, qui relèvent du code criminel, est de compétence fédérale et que la plupart des règles existantes sont édictées par Ottawa. Québec s'est attardé aux mesures qu'il pouvait lui-même mettre de l'avant. C'est la Sûreté du Québec qui, en bonne partie, sera chargée de veiller à l'application des mesures prévues dans le projet de loi.
Bien qu'il soit minoritaire à l'Assemblée nationale, le gouvernement libéral n'a pas cru bon de consulter l'ADQ et le PQ avant de déposer son projet de loi. Il fait le pari que tous les partis seront en accord avec ses mesures visant à assurer une plus grande sécurité de la population.
Le resserrement du contrôle des armes à feu était un engagement inscrit dans le discours inaugural de Jean Charest prononcé le 8 mai à l'Assemblée nationale. Il existe 78 000 armes à autorisation restreinte au Québec, selon le registre du Contrôleur des armes à feu.